(Re)penser le dispositif en SIC : trajectoires, usages et tensions
Journée d’étude doctorale du GRIPIC 2025 (membre du comité d'organisation et scientifique)
Dans le champ disciplinaire des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC), le concept de dispositif circule intensément et semble occuper une place centrale. Qu’il s’agisse d’examiner des dispositifs techniques, numériques, médiatiques, pédagogiques, organisationnels ou institutionnels, le terme dispositif invite à une réflexion sur les agencements d’éléments humains et non-humains, les relations de pouvoir qu’ils instaurent, ou encore les dynamiques qu’ils suscitent dans les processus de communication et d’information.
Tout à la fois concept, matrice de compréhension et outil, la notion de dispositif est mobilisée par de nombreux.ses chercheurs.euses en SIC. Si la définition commune du terme et sa conceptualisation par Gilles Deleuze, relisant lui-même Michel Foucault, insistent sur sa dimension technique, les réflexions autour du dispositif se sont depuis largement étendues et déplacées, servant à analyser par exemple les dynamiques de pouvoir et de contrôle (Deleuze, 1989 ; Musso, 2003), les médiations technologiques et culturelles (Boullier, 2016 ; Merzeau, 2016), la production, la circulation et la réception des productions médiatiques (Miège, 1989 ; Jost, 1999 ; Jeanneret, 2008) ou encore la matérialisation de la médiation des affects par les réseaux sociaux numériques (Pailler et Vörös, 2017). Les différents travaux questionnent l’autonomie des individus face aux dispositifs et les effets des structures médiatiques sur les sociétés, notamment en termes d’inégalités d’accès, de surveillance et d’exploitation des données.
Par ailleurs, l’essor du numérique des dernières décennies a profondément modifié la notion même de dispositif, en introduisant des logiques de participation, de personnalisation et d’automatisation. Le concept a ainsi connu un regain d'intérêt dans l'étude des technologies numériques comme le montre Laurence Monnoyer-Smith (2013) qui propose de le revisiter pour analyser la complexité du web comme agencement hétérogène d'architectures techniques, de pratiques et représentations, qui cadrent les possibles communicationnels tout en étant travaillés en retour par les usages. Le concept apparaît alors comme une alternative stimulante aux visions déterministes du web, sans pour autant renoncer à une lecture critique des rapports de pouvoir qui le traversent (Julliard, 2022).
Vingt-cinq ans après le vingt-cinquième numéro d’Hermès consacré au dispositif, nous avons partagé à notre tour l’étonnement des jeunes chercheurs.euses du dossier de 1999 saisis.es par la « prolifération » et le pouvoir heuristique du dispositif dans les sciences sociales et en particulier au sein des SIC. La plasticité conceptuelle que semble permettre l’usage du dispositif en font un terme opérant souvent mobilisé mais qui nous paraissait parfois peu questionné théoriquement et épistémologiquement.
Dans cette perspective, il nous semblait à nouveau pertinent de nous interroger sur la (re)lecture de cette notion par les (jeunes) chercheurs.euses dans une journée d’étude, qui proposait donc d’explorer le dispositif à travers sa diversité conceptuelle et méthodologique : il s’agissait principalement de réfléchir à la manière dont les SIC mobilisent, réinterprètent et enrichissent ce concept, tout en explorant ses limites.