L'invention du fact-checking

Ce livre parle du fact-checking, une pratique de vérification des informations a posteriori, en partant d’une histoire singulière qui s’est déroulée en plein milieu de la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, le Boston Herald avait lancé une rubrique intitulée « La clinique des rumeurs », visant à contrer les rumeurs liées à la guerre. Jusqu’à récemment, peu d’informations étaient disponibles sur cette rubrique : ni son contenu, ni ses auteurs, ni même sa durée de publication n’étaient connus.
L’enquête menée pour ce livre a permis de reconstituer peu à peu les contours de cette aventure. Elle révèle des acteurs variés : un professeur de psychologie à Harvard, moteur infatigable du projet ; son étudiant intrépide, prêt à risquer sa vie derrière les lignes ennemies ; une journaliste militante, à la fois inspirée et inspirante ; un rédacteur en chef discret mais essentiel à l’entreprise… sans oublier de nombreux hommes de l’ombre, espions et informateurs. En effet, s’aventurer dans la contre-propagande en pleine guerre, c’est s’immerger dans un univers où se croisent des figures non conventionnelles du monde de l’information.
Le récit s’achève avec la disparition de la rubrique, officiellement attribuée à des restrictions sur l’usage du papier. Toutefois, les véritables raisons semblent liées à une évaluation de l’efficacité de cette initiative, en résonance avec des débats théoriques encore vivants aujourd’hui dans les sciences de l’information et de la communication. Quant au bilan de cette expérience, il reste nuancé. En deux ans, près de 400 rumeurs ont été examinées et réfutées. Qu’elles soient brèves ou développées, anecdotiques ou inquiétantes, elles reflétaient toujours une vision de la guerre et de ses répercussions sur une population américaine aspirant à l’unité nationale, mais confrontée à des démons récurrents : racisme, antisémitisme, défiance envers les institutions… Autant de fléaux que cette rubrique ne pouvait pas éradiquer à elle seule.