Jeudi 24 septembre 2015 - 08:00 au Vendredi 25 septembre 2015 - 20:00
L’évolution du système médiatique semble modifier les formes prises par les représentations du pouvoir. Désormais, la figure du décideur se dessine aussi, et peut-être surtout, à l’aune de ses paroles, de ses faits et de ses gestes, posant le socle d’une nouvelle hiérarchie entre décision de faire et décision de dire.
Ce colloque propose d’analyser les tensions, crises et permanences qui traversent les figures de la décision et de l’autorité, dans la sphère politique comme dans le monde économique.
Il vient conclure le programme de recherche DÉFI (« Les décideurs : figures médiatiques de l’autorité ») coordonné par le GRIPIC en partenariat avec l’INSEAD et les Archives nationales, dans le cadre des projets Convergence de l’Idex Paris-Sorbonne (septembre 2014-octobre 2015).
Appel à communication
COLLOQUE
FIGURES DES DÉCIDEURS EN RÉGIME MÉDIATIQUE
Représenter la décision politique et économique : un défi communicationnel
24-25 septembre 2015
CELSA
77, rue de Villiers
92200 Neuilly-sur-Seine
Nouveaux supports, nouveaux acteurs, nouveaux formats : le système médiatique dans ses reconfigurations accélérées semble porteur d’une réinvention des formes prises par l’expression du pouvoir économique ou politique dans la société.
Quels sont les effets de ces évolutions sur les processus de médiatisation des figures traditionnelles de l'autorité et de la décision ? Dans quelle mesure leur légitimité est-elle recomposée, voire remise en question, par ces formes de médiation éclatées ? Si tout un chacun peut devenir acteur médiatique et prendre la parole dans l’espace public[1], il semble désormais particulièrement pertinent de s’interroger sur les modes de production des figures de la décision au cœur de ce nouveau régime médiatique.
De fait, exercer le pouvoir, que l’on soit dirigeant d’entreprise ou acteur du politique, implique des compétences communicationnelles spécifiques, qui doivent évoluer avec les contextes médiatiques. Et cet enjeu concerne au premier chef la publicisation de la décision, dans le domaine politique comme dans le domaine économique.
« Veiller à la rigueur, à la clarté et à l’efficacité du processus de décision. » Tel est le mot d’ordre clairement formulé dans une circulaire du 12 septembre 2014 définissant, sous l’égide des services du Premier ministre, la méthode du travail gouvernemental. C’est que, poursuit le texte, « à l’heure des chaînes d’information continue et des réseaux sociaux, maîtriser le message adressé aux Français demande le plus grand professionnalisme et beaucoup de sang froid »[2]. Gouverner un pays suppose donc désormais de maîtriser les trajectoires médiatiques empruntées par les messages politiques et d’incarner les décisions prises.
D’une façon similaire, quoique dans un écosystème différent, le chef d’entreprise, qui assume la responsabilité de l’entreprise dans toutes ses dimensions stratégiques, financières et managériales, se trouve également enjoint à la communication et à la justification de ses décisions auprès de l’ensemble des parties prenantes et de la société civile. Sollicité lors d’événements souvent fortement médiatisés (rachats, fusions, réorganisations, lancements de nouveaux produits, ouverture de nouveaux marchés), il est le vecteur médiatique de l’entreprise, incarnant sa stratégie et défendant ses positions.
Comment l’évolution du système médiatique modifie-t-elle les formes prises par les figures du pouvoir ? L’expansion des réseaux dits sociaux, et plus généralement la « digitalisation » de la société, ont contribué à brouiller la donne : alors que l’accès aux médias se démocratise, alors que l’offre médiatique ne cesse de croître, les frontières séparant vie privée et vie publique tendent à se déplacer, redonnant vigueur à l’exigence de transparence qui anime les régimes démocratiques ; dans le même esprit, répondre à la pression sociale conduit le monde économique à élaborer des règles de « bonne gouvernance ». La figure du décideur se dessine désormais aussi, et peut-être surtout, à l’aune de ses paroles, de ses faits et de ses gestes, posant le socle d’une nouvelle hiérarchie entre décision de faire et décision de dire.
Cela ne va pas sans paradoxe : car, quel que soit l’appareil administratif ou juridique régulant le processus de décision, peut-on vraiment donner à voir le processus de la décision, qu’il soit collégial ou individuel ? Est-il possible d’envisager la représentation d’une figure du décideur en acte, alors que le moment de la décision ne se donne à voir qu’à l’état de traces incertaines, lacunaires, souvent invérifiables ou inscrites dans des formats codifiés ?
Ce colloque propose d’analyser les tensions, crises et permanences qui traversent les figures de la décision et de l’autorité, dans la sphère politique comme dans le monde économique. Tout en prenant en compte les spécificités de chaque sphère (notamment sur les processus de promotion au rang de décideurs, élection ou nomination), il s’agit d’évaluer l’effet exercé par l’éclatement des médiations sur la légitimité des figures des décideurs, figures tenues par un impératif de « transparence » comme par une manifestation raisonnée d’une compétence superlative. Seront ainsi pensés les liens complexes entre les évolutions du système médiatique et la fabrication des figures des décideurs, entre dévoilement, révélation et, parfois, soustraction à la scène publique.
Ce colloque vient conclure le programme de recherche DÉFI (« Les décideurs : figures médiatiques de l’autorité ») coordonné par le GRIPIC entre septembre 2014 et septembre 2015 en partenariat avec l’INSEAD et les Archives nationales (département Exécutif et Législatif), dans le cadre des projets Convergence de l’Idex Paris-Sorbonne (septembre 2014-octobre 2015). Les deux journées de colloque seront l’occasion de partager les premiers résultats de cette recherche collective et de réunir des chercheurs issus de différents horizons disciplinaires dont les recherches s'intéressent à ces thématiques.
Le colloque s’organisera autour de trois axes principaux :
Axe 1
Renouvellement et permanence des figures de décideurs politiques et économiques
Seront interrogées, dans ce premier axe, les reconfigurations et métamorphoses enregistrées par les figures de décideurs dans les domaines politique et économique. Émergence de nouveaux acteurs médiatiques, professionnalisation de la communication dirigeante, féminisation de fonctions dites d’autorité, nouveaux dispositifs de médiatisation comme la télé-réalité, usage des plateformes offertes par les réseaux sociaux : autant de phénomènes qui entrent en jeu dans la reconfiguration des figures médiatiques du pouvoir. Entre tradition et mutation, on analysera les pratiques de production, de promotion et de recyclage des formes de l’autorité au centre du fonctionnement des organisations politiques et socio-économiques. Au cœur de ce premier axe se trouve donc le projet d'esquisser un inventaire de ces figures en respectant leur diversité et leur singularité (du chef politique au dirigeant du CAC 40 en passant par le patron de PME).
Axe 2
La médiatisation comme légitimation ou délégitimation des figures d’autorité
Les propositions de communication inscrites dans ce deuxième axe se demanderont dans quelle mesure la médiatisation participe à la fabrication des figures de décideurs. La multiplication des supports médiatiques, l’évolution des formats éditoriaux et le développement des médias informatisés sont-ils synonymes de nouveaux modes de légitimation ? Dans quelle mesure participent-ils d’une permanente mise en jeu, et parfois remise en cause, de la légitimité des figures d’autorité ? Seront particulièrement appréciées les propositions questionnant les liens qui unissent les figures de décideurs, les dispositifs médiatiques (qu'il s'agisse de dispositifs très ritualisés comme la conférence de presse, l'interview ou la remise de prix, ou d'espaces éditorialisés de représentation de soi à l'instar des plateformes numériques) et les acteurs de légitimation, qu'ils soient « nouveaux » (les spécialistes de l'e-réputation par exemple) ou plus traditionnels (les journalistes notamment).
Axe 3
Publicisation, occultation, (in)visibilité des processus de décision
En déplaçant le questionnement de la figure du décideur vers le processus de décision, ce troisième axe entend analyser les formes d’inscription des figures de l’autorité dans les supports assurant la mise en visibilité de leur action. Si la décision politique et économique s’énonce, s’annonce, s’explique éventuellement, qu’en est-il du processus, complexe, difficile, parfois impossible à reconstituer et souvent considéré comme « occulte », dont elle est issue ? On pense par exemple au conseil des ministres, réunion hebdomadaire et ritualisée de l’exécutif, qui ne laisse filtrer de ses délibérations que ce qui est consigné dans le rituel communiqué de presse, simple enregistrement des « décisions » (ou « non-décisions ») prises en amont. Il en est de même pour les conseils d’administration ou les comités de direction, dont la publicisation plus ou moins confidentielle laisse planer des imaginaires nombreux sur les processus de décision.
Modalités de soumission
Adresser à defi.colloque@gmail.com un résumé de 500 mots (ou 3000 signes espaces compris) avec indication de l’axe dans lequel la communication propose de s’inscrire.
Calendrier
soumission (résumé) de la proposition pour le 29 mai 2015
réponse du comité scientifique autour du 22 juin 2015
Comité scientifique
Nicole d’Almeida (GRIPIC)
Isabelle Chave (Archives nationales)
David Dubois (INSEAD)
Valérie Jeanne-Perrier (GRIPIC)
Caroline Ollivier-Yaniv (CEDITEC)
Klaus Wertenbroch (INSEAD)
Adeline Wrona (GRIPIC)
Comité d’organisation
Charles Sarraute (GRIPIC)
Émeline Seignobos (GRIPIC)
[1] Rappelons notamment le titre évocateur de l’ouvrage à succès publié en 2004 par le journaliste Dan Gillmor, « Nous sommes tous des médias » (We the media).
[2] Circulaire n°5735 définissant la Méthode de travail du gouvernement, disponible sur le site du gouvernement (http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/09/cir_38729.pdf), 12 septembre 2014.