Plus connue sous le nom de love doll, la poupée de compagnie est un sex-toy qui reproduit l’enveloppe charnelle d’une femme, plus rarement celle d’un homme. La majorité des poupées de compagnie mesure entre 1m et 1m70, pèse entre 8kg et 45kg et coûte entre 1500 et 7000€ en fonction de leurs options et de leurs matières.
Vendue au départ uniquement comme sex-toy, la poupée de compagnie est utilisée autour de pratiques diversifiées : affectives, et parfois sans jamais faire l’amour avec l’objet (intégration de l’entité dans les activités quotidiennes, choix d’un prénom et de traits de caractères), sexuelles (utilisation comme sex-toy), artistiques (réalisation et partage de séances photos), voire politiques (création d'un idéal féminin).
Surtout, les acteurs de cet univers se retrouvent autour d’un lexique commun pour définir les poupées de compagnie et décrire leurs expériences de la relation : « présence ». Que recouvre ce terme ? Et tandis que les frontières induites par la poupée de compagnie semblent omniprésentes (objet et être, matière et esprit, réalité et imaginaire, femme et poupée), dans quelle mesure ces limites sont-elles non pas abolies ou atténuées afin d’entraîner une confusion entre la poupée de compagnie et un.e humain.e, mais au contraire renforcées, les capacités communicationnelles spécifiques de chacun.e étant valorisées, et ce au prisme d’un continuum incarné par cette notion de « présence » ? Enfin, dans quelle mesure ce concept transdisciplinaire peut-il être envisagé comme un nouvel outil global d’analyse communicationnel ?
Une interrogation vertigineuse (comment définir une présence ?), contemporaine au regard de l’émergence de nouvelles formes de séités non-humaines (intelligence artificielle, personnalité juridique attribuée à des éléments naturels (forêts, lacs, …), robotique humanoïde, deepfake, …), et qui transcende les frontières disciplinaires, que ce soit par l’anthropologie non-humaine, la phénoménologie, la sociologie et l’ethnographie des objets, la littérature des créations artificielles, les études de genre, ou encore la psychologie anthropomorphique. Surtout, les sciences de l’information et de la communication apportent une nouvelle approche méthodologique à l’étude de ces sujets, en valorisant, par la capacité d’action communicationnelle de ces artefacts, leur faculté à influencer nos interactions avec eux, à nous apprendre à les appréhender, à nous imposer leur style.
L’intérêt de la présence est donc de prendre en compte les compétences communicationnelles des différentes sphères de réalité que nous côtoyons. Au lieu d’imaginer la communication des artefacts uniquement à travers l’humain.e, que ce soit par sa technique ou sa cognition, la notion de présence permet d’affirmer le potentiel communicationnel d’entités, que ce soient des organismes, des objets ou des structures médiatiques, en dehors de l’humain.e, à travers le signe et leur agentivité. La présence est un angle de vue supplémentaire sur la notion de vivant, et démontre, entre autres, que dans nos relations aux objets, ces derniers, dans un écosystème de forces en présence (humaines et non-humaines), savent aussi nous interpeller et nous influencer, sans pour autant jamais renier les frontières ontologiques qui nous séparent.