LE LABORATOIRE DE RECHERCHE EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DU CELSA
UR 1498
Communication sans actes

Spectres, gages et stigmates

l’objectivation de l’engagement littéraire dans l’Entre-deux-guerres.
Objets insignes, objets infâmes de la littérature, 19 novembre 2015, Celsa

La première moitié du XXè siècle est marquée par le fait que l’écrivain y fait encore autorité. Son engagement dans le débat politique et social pèse d’un poids symbolique considérable, que la vie des médias confirme régulièrement, autant que les nombreuses sollicitations dont il fait l’objet et les situations de communication publique qui sont organisées spécifiquement pour le revendiquer, l’impliquer, l’exhiber.  La formule que retiendra Sartre définissant l’intellectuel comme celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas constitue à cet égard moins une nouveauté qu’un résumé frappant de ce qui s’est joué dans les décennies de l’entre-deux-guerres, pendant lesquelles l’intensité de l’histoire a donné à ces phénomènes une importance cruciale.  Or l’écrivain est loin de maîtriser ces phénomènes qui relèvent moins de son activité d’écriture que de la nébuleuse d’objets, d’images, de représentations sociales qui fait teneur sociale de la littérature en tant qu’être culturel. Aussi découvre-t-il que les signes de son autorité se multiplient largement à son insu et à l’écart de son contrôle. Images captées, noms publiés, signatures circulantes, inscriptions sur divers supports, gratifications compromettantes, voyages épiés : une foule d’objets prétend par métonymie cerner l’écrivain comme acteur de l’histoire, jusqu’à la fétichisation du nom et de la figure de l’auteur eux-mêmes.  Situation qui exige de ces auteurs une théorie et une pratique de cette instrumentalisation de leur propre aura, sur laquelle ils ne cessent de méditer et de polémiquer, notamment lorsque l’histoire confronte la complexité de leur parcours à des moments de décision radicale. C’est ce travail réflexif des écrivains sur la chosification de leur destin social que la communication explorera, à partir de l’analyse de quelques textes (journal, correspondance, déclarations publiques) qui instaurent un dialogue autour de cet enjeu. L’analyse rayonnera autour de Romain Rolland, qui plus que tout autre a dans cette période incarné ce phénomène, lui que Martin du Gard accusait de se laisser promener sur le pavois et de Stefan Zweig qui de son côté a perçu les paradoxes de ce processus et cherché à s’en prémunir tout au long de sa carrière. La transposition fictionnelle de ce drame dans Les égarés de Frédérick Tristan, roman qui revisite a posteriori  ces années, éclaire de biais tous ces paradoxes qui restent aujourd’hui très présents, même si le stigmate a largement triomphé, rendant très difficile une lecture sereine de ces textes. 

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