LE LABORATOIRE DE RECHERCHE EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DU CELSA
UR 1498

Le bouton like, ou les ressorts d’un clic

Une interview de Gustavo Gomez-Mejia par le Social Media Club sur ZDNet

Interviewé par le Social Media Club France, Gustavo Gomez-Mejia (aujourd'hui Maître de conférences à l'IUT de Tours) revient sur le travail mené avec Étienne Candel sur le bouton like de Facebook (paru dans le Manuel d'analyse du web en Sciences humaines et sociales dirigé par Christine Barats).

Le bouton «j'aime» a essaimé sur le web : partout, on peut «liker». Une marque, un artiste, une page fan, y compris celle d'une personnalité politique ou d'un appel au soutien, par exemple au «bijoutier de Nice», pour ne citer que lui. Omniprésent, le like en est-il dévalué ? Quel effet de sens produit-il ? Y a-t-il une économie du like ? Rencontre avec Gustavo Gomez-Mejia, maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication et chercheur au laboratoire Citeres (Université François Rabelais - IUT de Tours), qui a co-écrit avec Etienne Candel «Signes passeurs et signes du web : Le bouton like, ou les ressorts d’un clic».

 

Dans vos travaux, vous décrivez le Like comme un « signe passeur » : qu’est-ce que cela signifie ?

A travers la notion de « signe passeur », mes collègues du Celsa-Gripic interprètent les « liens hypertexte » en tant que sémiologues. Quels sont les signes du Web porteurs d’une opération particulière ? Comment se donnent-ils à être cliqués ? Avec Etienne Candel, nous avons posé ces mêmes questions au Like de Facebook. A la base, il y a la forme « bouton » ou la couleur bleue des hypertextes qui sont d’emblée lues comme clicables. Il y a aussi le message « J’aime » en français qui n’a de sens que parce que Facebook recense déjà le nom de la personne. Enfin, l’icône de la petite main au pouce levé renvoie au corps de l’usager, à sa photo, mais aussi à toute une mythologie du jugement.

Appuyer sur le bouton Like produirait « d’importants effets de sens et de forts rendements économiques » : à quels opérations et processus pensez-vous ?

Il me semble que le bouton Like effectue une opération primordiale : la « conscription » ; le fait d’écrire avec ou ensemble. Liker revient à autoriser que son nom soit écrit avec un autre nom ou contenu donné. Les effets de sens dépendent du contexte d’affichage. Entre « amis », les noms écrits ensemble créent des obligations à l’écran : remercier, « aimer » en retour, etc. Par ailleurs, le like centralise des audiences autour des fan pages. Il livre des indicateurs préfabriqués de performance et de « popularité » aux administrateurs. Sans parler des fan boxes qui exportent les noms et visages des « amis likeurs » comme autant d’hommes-sandwich en dehors du périmètre de Facebook.

Films, artistes, marques… les pages de profil Facebook recensent tout ce que nous avons indiqué « aimer ». Comment analysez-vous cette « euphorisation » du web ?

En son temps, Barthes notait que le propre de la publicité était de se limiter aux valeurs euphoriques, positives. Cette même euphorisation est au centre des modèles économiques et idéologiques du Web. L’absence de bouton je n’aime pas chasse la dysphorie dont auraient peur les annonceurs et partenaires de Facebook. Peu importe l’objet à liker, à « +1 » ou à retweeter, les « gens » ne sont pas en train d’aimer des « choses », ils sont en train d’affilier leurs noms aux contenus des partenaires intéressés. Et ceux-ci sont mis en concurrence selon les barèmes quantitatifs d’une visibilité industrialisée.

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